Par : Mohamed Mehalla

Selon le rapport « Freelancing in Europe 2022 » réalisé par Malt et BCG, un quart des professionnels du numérique en Europe sont des freelances. La transformation digitale, les nouvelles conceptions du travail mais aussi la pénurie de talents qui touche certains secteurs d'activité contribuent aujourd'hui à faire du freelancing un véritable enjeu de compétitivité pour les entreprises. Afin de rester performantes, elles doivent nécessairement repenser le lien qui les unit à ces travailleurs à part entière.
Le freelancing a le vent en poupe
Entre 2020 et 2021, le nombre de freelances inscrits sur Malt, plateforme spécialisée dans la mise en relation entre entreprises et indépendants, a grimpé de 39 %. Simultanément, le nombre d'auto-entrepreneurs a fortement augmenté en France, l'Urssaf dénombrant 400 000 travailleurs supplémentaires. Il pourrait être tentant de penser que ces hausses sont dues aux nouveaux besoins que la crise liée à la pandémie de Covid-19 a fait naître. S'il est vrai que celle-ci a accéléré certaines transformations dans le monde du travail, elle n'est pourtant pas la seule responsable de ces augmentations. Il semble en effet qu'il existe un réel engouement pour le freelancing : 72 % des cadres du privé ont une bonne image du freelancing et 30 % se disent intéressés par le fait d'exercer en tant que travailleurs indépendants.
Du côté des organisations, le constat est le même : 58 % des entreprises ont déjà reçu des demandes de la part de leurs salariés pour exercer en freelance. Par ailleurs, elles sont 44 % à avoir augmenté le nombre de leurs talents externes en 2021 et il semblerait que les missions longues, de plusieurs mois, se banalisent.
Conscientes que le freelancing est en plein boom, les plateformes spécialisées se multiplient. Malt, Crème de la crème, Comet ou plus récemment Kamatz ont toutes la particularité de faciliter la mise en relation entre entreprises et freelances en limitant le temps de sourcing, en simplifiant la gestion administrative mais aussi en sécurisant la collaboration. Même les leaders de l'intérim s'y mettent. C'est le cas d'Adecco qui a lancé Yoss, une marketplace dédiée aux freelances et aux grands groupes. Et ça marche : les mises en relation via un cabinet de recrutement ou une plateforme digitale spécialisés sont en augmentation. Cela démontre que le recours au freelancing est une pratique qui s'installe et qu'elle exige d'être de plus en plus encadrée.
Cette dynamique peut s'expliquer de plusieurs façons. Il y a la pénurie de talents qui touche certains secteurs d'activité, des besoins d'expertises de plus en plus ciblées mais aussi une volonté des collaborateurs d'être plus indépendants et flexibles. Par ailleurs, il faut citer la transformation digitale des entreprises qui s'est accélérée sous l'effet de la crise sanitaire ainsi que les nouvelles formes de travail favorisées par l'adoption massive des outils collaboratifs. Comme le résume Audrey Baillet, directrice de la plateforme Anywr freelance, « la crise sanitaire a dopé le besoin de flexibilité et d'agilité des entreprises tout en leur montrant la nécessité de poursuivre leur transformation digitale. Ce phénomène a contribué à renforcer les pénuries de talents dans certains secteurs d'activité, à commencer par l'IT. Plus que jamais, les freelances représentent une opportunité pour de nombreuses entreprises avec moins de temps perdu à essayer de recruter un potentiel candidat ».
Freelances et entreprises : une collaboration aux multiples avantages
Souplesse, rapidité, expertise et innovation
Le freelancing permet aux entreprises de bénéficier d'une véritable souplesse. En effet, elles peuvent collaborer avec un freelance ponctuellement, à des moments stratégiques de leur développement, jouir d'une gestion administrative simplifiée et adapter la fréquence des missions selon leur santé financière.
Par ailleurs, le temps nécessaire pour initier une collaboration avec un travailleur indépendant est largement inférieur à celui qu'exige le recrutement d'un salarié. À titre d'exemple, il faut en moyenne 6 jours pour embaucher un talent sur Malt. C'est ainsi que certaines entreprises se servent du freelancing pour absorber le délai de recrutement d'une personne en CDI et prendre ainsi le temps de sélectionner le meilleur profil.
Autre avantage : l'expertise. 57 % des entreprises ont recours aux freelances pour cette raison alors qu'elles sont seulement 17 % à faire appel à eux pour une urgence. Il faut dire qu'un travailleur indépendant maîtrise généralement de nombreux outils et méthodes grâce à la pluralité de ses collaborations. De plus, il consacre en moyenne une demi-journée par semaine au développement et à l'affûtage de ses compétences.
Enfin, le regard neuf que pose un freelance sur l'entreprise avec laquelle il collabore pour la première fois constitue un atout précieux qui peut tout autant participer à la formation des salariés qu'au développement de la capacité d'innovation globale. Jonathan Attali, alors directeur digital d'Etam, le constatait déjà en 2018 : « dans le digital, il faut en permanence innover, garder de l'avance, lancer de nouveaux projets. Cela suppose de maîtriser ponctuellement des techniques et des outils que nous n'avons pas forcément en interne. D'où l'intérêt des freelances qui sont immédiatement opérationnels » et qui « contaminent positivement les équipes en place en apportant une vision et des pratiques nouvelles ».
Par ailleurs, il faut souligner que le recours à des talents externes est aussi l'occasion pour les entreprises de poser un regard neuf sur elles-mêmes. En menant une réflexion de fond pour préciser leurs besoins et leurs objectifs, certaines décident en effet naturellement d'ajuster les processus en place ou les outils utilisés.
Shine, une entreprise qui encourage ses salariés à devenir freelances
Même les organisations qui voient leurs collaborateurs en CDI devenir freelances y trouvent des bénéfices. C'est le cas de Shine. En février 2019, cette société qui fournit des services bancaires aux entreprises et aux indépendants, a modifié tous les contrats de travail de ses salariés. L'objectif ? Supprimer la clause d'exclusivité et leur permettre de se consacrer au freelancing un jour par mois sans que leur salaire ou leurs avantages n'en pâtissent. Dans un article publié sur son blog, l'entreprise, convaincue que « futur du travail et freelancing sont étroitement liés », explique y trouver plusieurs avantages : une montée en compétences des membres de l'équipe, un gain de maturité et une pollinisation des connaissances. « Ils apprennent au contact d'autres environnements de travail, à une vitesse considérable et font profiter à Shine de toutes ces bonnes pratiques », écrit-elle. Toutefois, ne risque-t-elle pas de voir ses salariés partir ? « Si nous remplissons notre mission de faire de Shine une entreprise où les gens sont heureux de travailler, alors permettre aux salariés de travailler en freelance à côté ne devrait pas augmenter le turnover, mais plutôt le faire baisser », affirme-t-elle tout en se réjouissant d'avoir un taux de départ particulièrement faible depuis ses débuts.
Alors que le freelancing et le salariat sont souvent opposés, cet exemple démontre qu'ils peuvent bel et bien être des formes de travail complémentaires.
Comment bien choisir un freelance ?
Définir ses besoins
Plus une entreprise définit avec précision ses besoins et objectifs, plus elle est à même de s'assurer qu'un profil répond à ses critères de sélection. Toutefois, mener une réflexion ne suffit pas, il faut également partager ses fruits de façon claire et explicite : c'est le rôle du brief. En permettant au freelance de comprendre précisément ce qui est attendu de lui et de s'assurer qu'il a toutes les compétences requises pour mener à bien la mission qui lui est proposée, ce document cadre joue un rôle essentiel.
Chercher au bon endroit
L'étude réalisée par Anywr a révélé que les entreprises utilisent majoritairement le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux pour recruter un freelance. Ceux-ci peuvent être professionnels comme LinkedIn ou généralistes comme Twitter.
Toutefois, le recours aux cabinets de recrutement et aux plateformes spécialisées augmente. Le large éventail de services complémentaires offerts par ces dernières représente un atout de taille dans la course aux talents.
Enfin, les espaces de coworking constituent également des viviers intéressants. La France en comptait 2 787 en 2021, un chiffre en augmentation de 60 % par rapport à 2019.
Comparer les tarifs
Afin de s'assurer de faire le bon choix, il est indispensable de solliciter plusieurs professionnels et de leur demander un devis pour la mission qui leur est proposée. Celui-ci doit comporter la liste précise des tâches qu'ils s'engagent à effectuer, leurs coûts mais aussi le nombre de correctifs ou allers-retours qui pourront éventuellement être réalisés. À cette occasion, il est évidemment important de comparer les tarifs journaliers moyens tout en tenant compte des charges d'auto-entrepreneur et du nombre d'années d'expérience revendiquées.
En complément, il est également possible de parcourir les plateformes spécialisées afin de découvrir les prix qui y sont pratiqués ou de consulter des baromètres de tarifs pour le métier recherché. Kamatz encourage les entreprises à intégrer le freelancing à leur démarche RSE et à « adopter une démarche de fair freelancing » en définissant un tarif de prestation équitable et en s'assurant de bien comprendre le montant que touchera véritablement le freelance à l'issue de la mission.
Évaluer l'expertise
Portfolios, recommandations, curriculum vitae, il est important de consulter l'ensemble des éléments à disposition pour évaluer l'expertise d'un professionnel et de prendre le temps d'échanger avec lui de vive voix avant de s'engager. L'objectif : s'assurer que la mission est claire, qu'il a l'expérience, les compétences et les soft skills requises pour la mener à bien mais aussi qu'il est motivé et que ses valeurs sont en adéquation avec celles de l'entreprise.
Ajouter un commentaire
Commentaires